02# MORTELLES PENSEES DE FUKUSHIMA

Photo : Carlos Ayesta & Guillaume Bression / trois8

 
Sporadiquement, l’on reparle de Fukushima. Oh, depuis belle lurette le sujet ne fait plus vraiment la une des journaux. Deux petits mots par ci par là et l’on passe bien vite à autre chose…

Ainsi, tout récemment, l’on annonçait dans la presque confidentialité que les 7400 habitants  évacués de la petite ville de Naraha située à une trentaine de kilomètres de la centrale maudite, allaient être enfin autorisés à revenir chez eux.

Autorisés ?  Non. En réalité, ces pauvres gens sont contraints par le gouvernement japonais de réinvestir leurs anciens lieux de vie. Et quand je dis contraints, c’est bien de cela qu’il s’agit. Après avoir en effet subi des doses massives de radiations dans les premiers jours de la catastrophe et avoir tout perdu, les voici aujourd’hui dans l’obligation de repartir vers l’enfer. Dans leur ville devenue prison à ciel ouvert hautement toxique. Et s’ils refusent de se plier à cette « autorisation-contrainte », ils devraient perdre le bénéfice de leurs indemnités de sinistrés et certains seront privés des hébergements qui leur avaient été provisoirement consentis en attendant des jours meilleurs.

Mais tout va très bien là-bas Madame la Marquise, clament  les instances gouvernementales. La situation est désormais maîtrisée sur le site dévasté de Fukushima et les sols environnants ont été décontaminés !  Prenez donc des photos messieurs les journalistes, de ces empilements de sacs noirs contenant la terre mortelle. L’équivalent du contenu de 22.000 piscines olympiques réparti sur 20 sites de stockage provisoires exposés aux intempéries et à tous les vents pour plusieurs décennies puisqu’il n’est prévu de les stocker sur un site unique que dans 30 ans. Et en attendant, revenez chez vous braves gens et dormez tranquilles. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes… !

Pas si sûr…. En tout cas, ce n’est pas exactement le point de vue de certains et en particulier celui du mouvement écologiste Greenpeace qui a effectué de nombreuses mesures de la radioactivité dans un rayon de 100 kms autour de la centrale. Ses conclusions sont formelles : les zones où il est prévu de faire revenir la population ne sont toujours pas habitables d’un point de vue sanitaire. Dans certaines d’entre elles, des niveaux de radiation encore bien trop élevés ont été relevés et il existe par ailleurs sur tout le territoire décontaminé, un risque avéré de migration des radiations depuis les zones montagneuses et boisées alentours qui n’ont pas été décontaminées.


Mais quand bien même les zones décontaminées seraient redevenues habitables, qu’en est-il des sous-sols ? Et plus particulièrement, y a-t-il pollution des nappes phréatiques et à quel degré ?  Sur le sujet, c’est motus et bouche cousue, mais il y a fort à parier que c’est bien le cas.

N’oublions pas en effet que deux ans après la catastrophe, Tepco avait annoncé du bout des lèvres que les cœurs de trois réacteurs sur les six installés à la centrale de Fukushima avaient fondu. Or, qui dit fusion dit écoulement de cette masse infâme et mortelle de magma fondu dénommée corium dans les cuves de protection. Le hic, c’est que l’on sait qu’au moins une des trois cuves a été percée et que le corium s’écoule un peu plus chaque jour dans les entrailles du sol. A l’heure actuelle, personne n’est  cependant capable de dire jusqu’à quelle profondeur. Le dernier petit-robot chargé récemment d’aller voir ce qui se passait n’a plus donné signe de vie. Mieux encore, il s’est volatilisé jusqu’au dernier boulon… La situation n’est donc pas maîtrisée, loin s’en faut… Et elle ne le sera certainement pas avant longtemps puisqu’il n’est pas prévu de fermer la centrale avant 2040.

Dans ces conditions, n’est-ce pas criminel de la part d’un gouvernement  que de renvoyer des gens déjà lourdement affectés vers une mort probable à plus ou moins long terme?  Et qui s’en émeut au niveau de la communauté internationale ?  Personne. De ce point de vue, le silence est dramatiquement assourdissant…

Mais il y a pire encore. Dans la foulée, le gouvernement nippon annonce aussi qu’après quelques mises aux normes, son parc nucléaire civil va reprendre du service après une interruption de son fonctionnement depuis 2011.

Est-ce bien raisonnable lorsque l’on sait que le Japon se trouve géographiquement  dans l’une région des plus complexes du globe d’un point de vue sismique et volcanique ? Au carrefour de quatre plaques tectoniques, ce pays abrite en effet 140 volcans sur son territoire dont 110 sont actifs. Près d’une cinquantaine d’entre eux sont sous haute surveillance puisque de type explosif. Ces derniers mois, quelques uns ont d’ailleurs connu des éruptions spectaculaires comme les monts  Shindake, Hakone, Yakushima, Ontake, Sakurajima, etc…

Et la terre ne cesse de trembler au Pays du Soleil Levant qui a lui seul enregistre 20% des séismes de la planète. J’ai ainsi répertorié 142 séismes de magnitude égale ou bien supérieure à 4,5 sur l’échelle de Richter depuis le 1er Janvier 2015, dont 23 ne serait-ce que pour ce mois de Juillet 2015 qui n’est pas encore achevé à l’heure où j’écris ces lignes….



Quand on sait que nombre de centrales nucléaires nippones se trouvent dans des zones à haute sismicité ou littorales à risques majeurs de tsunamis ou bien encore à proximité de volcans actifs et dangereux du fait de leur caractère explosif comme c’est le cas de celle de Sendaï qui se situe à une soixantaine de kilomètres d’un volcan particulièrement actif, il y a de quoi trembler autant que le sol sous les pieds des japonais.

Rappelons aussi pour la bonne règle que dans la nuit du 12 au 13  Juillet 2015, un séisme de magnitude 5,7 a fortement  secoué la région d’Ikata où se trouve une centrale dont un réacteur a été jugé au mois de Mai dernier, apte à redémarrer. Officiellement, cette centrale qui se trouve dans une zone littorale n’aurait pas été endommagée par la secousse... Ouf !

Plus grave encore que l’on oublie généralement de rappeler dans les médias c’est que le Japon a une forte probabilité d’être en partie anéanti par une explosion volcanique majeure. Ce pourrait être ainsi le cas avec l’explosion à potentiel cataclysmique du majestueux et sacré Mont Fuji qui sommeille depuis l’an 1707.  Le monstre sommeille, oui mais jusqu’à quand ?  Quand l’on sait officiellement depuis 2014 qu’il a fortement été ébranlé par un tremblement de terre de magnitude 6,4 survenu dans ses entrailles juste après le séisme de Mars 2011 suivi de nombreuses et inquiétantes répliques et que sa situation est aujourd’hui qualifiée de « critique » par les vulcanologues, il y a de quoi sérieusement s’inquiéter. Mais là encore, le mot d’ordre est « circulez, il n’y a rien à voir ! ». Pour faire diversion, les autorités japonaises ont même trouvé une parade. Depuis quelques semaines, les touristes qui escaladent ses pentes sont connectés gratuitement au réseau Wi-fi. Le Fuji est ainsi devenu la montagne la plus connectée du monde !!!! Et tout le monde est content.

Le peuple japonais est-il majoritairement naïf ou inconscient des risques qu’il encourt avec le nucléaire implanté sur son territoire hautement instable ?  Cela peut paraître incompréhensible au vu du lourd tribut qu’il a déjà payé au fil de l’histoire du fait de l’atome, mais cela semble malheureusement pourtant être le cas.

Les drames d’Hiroshima et Nagasaki n’étaient-ils pas les premiers avertissements donnés aux Japonais comme à l’humanité toute entière sur les dangers du nucléaire ? Et celui de Fukushima n’était il pas un nouveau signe d’alerte, une sorte de piqûre de rappel ?  Pourtant, il est patent que ces catastrophes qui ont pourtant marqué les esprits sur le moment n’ont pas  incité ceux qui nous gouvernent à en tirer les leçons. Leur autisme perdure…. Jusqu’à ce que…


Bon, vous l’aurez compris, je suis très en colère. Pas seulement après le gouvernement nippon. Mais aussi après tous les gouvernements influents de notre planète, lesquels pour de sombres motifs économico-politiques ferment les oreilles, les yeux et la bouche comme les petits singes de la fable et restent prudemment à l’écart.

Pourtant, les signes sont aujourd’hui flagrants : notre Mère la Terre se rebiffe comme jamais depuis quelques temps. Des séismes plus ou moins importants la secouent chaque jour. Cela dans tous les pays, France y compris…. N’oublions pas aussi le Népal qui ne se remettra pas de sitôt de ses plaies et qui continue inlassablement de trembler de toutes ses montagnes. Ne négligeons pas aussi le fait que  la ceinture de feu du Pacifique dont fait partie le Japon est en ébullition.  Ces dernières années, des volcans se réveillent en chaîne en Indonésie, au Kamchatka, en Alaska, au Mexique, au Costa Rica, en Colombie, au Chili, etc… Notre planète agonisante lance sans relâche ses avertissements aux Terriens et multiplie les signes de sa détresse. Il serait peut-être temps de l’écouter enfin et d’agir. Et surtout d’arrêter les conneries en tous genres. Pas seulement  les actions inconsidérées qui dérèglent le climat. Il faut aussi se décider renoncer au nucléaire comme à d’autres aberrations du type Iter ou celles encore plus délirantes telles ces expériences d’apprentis sorciers menées à la frontière Franco-Suisse par le CERN ! Et comme vous le savez, la liste n’est pas exhaustive, loin s’en faut…

Alors, réveillez-vous Messieurs les gouvernants de la planète Terre ! Tous vos pays sont aussi concernés s’il se produit l’inconcevable au Japon. Il y va plus que jamais de la survie de notre humanité.