Source : Ouest-France.fr L'édition du Soir / Toutes les Photos : Gwendal Le MénahèzeLe 26 avril 1986, un réacteur de la centrale de Tchernobyl explosait... Il provoque l’une des plus grosses catastrophes nucléaires de l’histoire de la planète. Évacuée une semaine seulement après la catastrophe, la ville ukrainienne se trouve toujours, 29 ans après, au cœur de la zone de 30 kilomètres, totalement contaminée, et toujours interdite. Reportage dans une ville où les fantômes du temps n’ont rien à envier aux fantômes de l’atome. Couchée sur un lit de feuilles mortes, une poupée démembrée repose dans un sous-bois. Les cris joyeux de ses anciens propriétaires qui peuplaient le jardin d’enfants dont elle rappelle l’existence passée, ont laissé place à un silence de plomb. C’était en 1986. Trente ans plus tard, pénétrer au cœur de la zone interdite délimitée autour de la centrale nucléaire de Tchernobyl après son explosion, c’est plonger dans un décor digne des films d’horreur les plus angoissants. Sous les crépitements d’un compteur Geiger affichant une radioactivité dépassant toujours largement la normale, on tourne le dos à cette poupée pour franchir le seuil d’un bâtiment de Kopachy, village du nord de l’Ukraine évacué après la catastrophe. Désormais englouti par la végétation, le village de Kopachy comptait en 1986 un millier d’habitants. Cette poupée rappelle la présence d’un ancien jardin d’enfants. Un ours en peluche poussiéreux veille sur l’entrée, du haut d’une étagère garnie de gravats. Derrière une porte entrouverte, un couloir mène au dortoir. Sur un des lits superposés dévorés par la rouille, une autre poupée au visage rongé par les années est étendue sur un vieux coussin. On s’attend à la voir brusquement tourner la tête en écarquillant ses paupières pour nous lancer une terrifiante complainte d’une voix mécanique. Des villages engloutis Mais l’horreur qui s’est jouée ici est bien plus sournoise que celle des scénarios d’épouvante. « Les habitants n’ont été évacués qu’une semaine après l’explosion de la centrale, distante de trois kilomètres, alors que le village a dû être enterré par la suite, tellement la radioactivité y était élevée », rappelle Yriy Tatarchuck, qui compte parmi la quinzaine de guides habilités à faire visiter la zone interdite. Posée devant une fenêtre, une partition ouverte livre la bande-son de ce triste épisode. On perçoit presque les chants cristallins des enfants qui devaient en restituer la mélodie entre ces murs désormais décrépis. La route déserte s’enfonce dans une forêt dense. Trente années loin de l’activité humaine ont laissé le temps aux pins et peupliers d’engloutir les villages délaissés. Un lampadaire emmitouflé dans les feuillages exhibe un panneau triangulaire, signalant la traversée fréquente d’enfants. On serait à peine étonné d’en voir surgir des bois en nous pétrifiant de leurs rires d’outre-tombe. Les jouets du jardin d’enfants de Kopachy ont été abandonnés lors de l’évacuation tardive de ce hameau situé à trois kilomètres de la centrale nucléaire de Tchernobyl. Mais le silence s’est fait roi de Pripyat, ville fantôme dont les 50 000 âmes ont été évacuées après plus de trente heures à se promener dans les rues et à pique-niquer dans les parcs, sans être avertis du mal invisible qui les assaillait. À l’orée d’une esplanade recouverte de mousses sèches et d’arbres jaillissant du bitume, le palais de la culture est en ruines. Les morceaux de verre crissent sous les semelles, les fresques murales s’écaillent et les plafonds tombent en lambeaux. L’obscurité humide du théâtre n’est guère plus rassurante. Face à l’estrade se joue un triste spectacle, entre gradins usés et sièges défoncés. La fête foraine figée Les plongeoirs de la piscine municipale perdent leurs couleurs et le bassin s’effeuille, carreau après carreau. Les couloirs menant aux douches sont parsemés de crevasses. À quelques pas, la fête foraine qui n’ouvrit jamais ses portes prend des airs sordides. Les ternes autos tamponneuses sont rouillées, les cabines jaunes de la grande roue sont figées, les manèges à bascule ou à tourniquet sont en état de décomposition avancée. La fête foraine devait être inaugurée le 1er mai 1986 à Pripyat. Mais la grande roue ne tourna jamais, stoppée par l’explosion de la centrale dans la nuit du 25 au 26 avril. (Photo : Gwendal Le Ménahèze) Dans l’ancienne école, on piétine un tapis de manuels d’astronomie, de chimie ou de lecture. Et encore des poupées, noyées parmi des milliers de masques à gaz abandonnés au sol. Un visiteur a cru bon d’en affubler l’une d’elles, penchée sur un livre ouvert. Comme dans tout décor de film d’horreur, on devine une part de mise en scène. Ici, macabre. « Certains objets ont été déplacés, mais ils ont réellement été laissés là par les habitants, assure Yriy. Ils ont eu très peu de temps pour évacuer les lieux et on leur disait qu’ils reviendraient quelques jours plus tard. » Ils ne reviendront jamais. Malgré l’impression qu’une tornade ou une guerre sont passées par là, lors de son évacuation en avril 1986, la ville – fondée seulement seize ans plus tôt à deux kilomètres de la centrale – était en parfait état. Dans ce décor aujourd’hui délabré, le fantôme de l’atome, invisible, ne tient plus le premier rôle : l’action du temps lui a volé la vedette. En trente ans, la végétation a repris ses droits dans la zone interdite. Peupliers, pins, bouleaux et mousses dévorent peu à peu la ville fantôme de Pripyat, ses places, ses escaliers et ses bâtiments, comme cet hôtel. Les plongeoirs de la piscine de Pripyat surplombent tristement le bassin rempli de gravats. Par les fenêtres éclatées, on constate que la végétation a englouti le village. La partition déposée sur le rebord d’une fenêtre du jardin d’enfants de Kopachy sonne comme une machine à remonter le temps. Sur la scène du théâtre de Pripyat, des vestiges rappellent qu’à l’époque de la catastrophe nucléaire, l’Ukraine appartenait encore à l’Union des républiques socialistes soviétiques (CCCP). L’école de Pripyat désertée s’effrite un peu plus chaque jour. En 1986, cette ville de 50 000 habitants n’avait pourtant que 16 ans. Un manuel de lecture poussiéreux évoque la présence des écoliers qui hantent Pripyat. Le jour qui suivit l’explosion radioactive dont ils n’avaient pas été informés, 900 d’entre eux participèrent au « marathon de la paix », qui contournait la centrale. Escaliers sombres, murs écaillés, plafonds en lambeaux… Les bâtiments de Pripyat semblent tout droit tirés d’un film d’épouvante.
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Novembre 2016
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