Source : Ouest-France.fr par CÉDRIC ROUSSEAULe 11-Septembre, l’homme sur la Lune, les vaccins, les Illuminati… Ces complots sont-ils plausibles ? Un chercheur a mis au point une équation mathématique très simple : plus le nombre de personnes impliquées augmente, moins le complot pourra rester secret longtemps. Explications.
« L’homme n’a jamais marché sur la Lune. » « Aucun avion ne s’est écrasé sur le Pentagone le 11 septembre 2001. » « L’État islamique est une création des Américains… » On a tous, dans notre entourage, une connaissance entièrement convaincue par ces versions revisitées de l’Histoire ou par l’idée que de grands événements sont une machination des puissants – ou d’une poignée d’entre eux. Les objectifs derrière tout ça ? Déclencher une guerre, faire passer des lois répressives, avancer ses pions sur le « grand échiquier judéo-maçonnique » qui commande les gouvernements en sous-main, etc. Pour les fétichistes des conspirations, la vérité est forcément cachée. Dans le cas étudié par le Dr David Grimes, de l’université d’Oxford, c’est la Lune qui nous intéresse. Depuis la première mission Apollo 11 ayant posé un équipage sur la Lune en juillet 1969, des doutes sur l’authenticité des images publiées par la Nasa sont apparus, ici ou là. La fascination pour l’épopée lunaire a longtemps étouffé ces « critiques ». Elles ont pris de l’ampleur dans les années 1970 après les scandales du Watergate et la guerre du Vietnam, mettant en cause la parole des dirigeants américains. En 2001, la chaîne Fox diffuse un documentaire intitulé Théorie du complot : avons-nous atterri sur la Lune ? Malgré ses arguments peu scientifiques et maintes fois démontés, la théorie du faux débarquement sur la Lune continue à trouver des prosélytes. Objets louches sur les photos, ombres bizarrement orientées, drapeau américain prétendument « flottant » sur un sol lunaire privé d’atmosphère… Tout est prétexte au doute. Quand l’incrédulité vire à la croyance Le doute et la perplexité sont légitimes et même encouragés dans toute discipline scientifique qui se respecte. Mais l’incrédulité acharnée envers un fait admis par tous a quelque chose de désarmant. « Les théories du complot existent depuis toujours. Au XVIIIe siècle, Augustin Barruel accusait déjà les francs-maçons d’avoir fomenté la Révolution française », rappelle Sophie Mazet, prof d’anglais dans un lycée et auteure du Manuel d’autodéfense intellectuelle. Cette pourfendeuse des « mille-feuilles argumentatifs » des conspirationnistes tente de développer chez ses lycéens un « vrai esprit critique ». « Certaines théories ont un succès incroyable, surtout chez les collégiens. Ce qu’on lit sur les Illuminati ou les Reptiliens[humanoïdes qui contrôleraient la Terre depuis l’Antiquité, NdlR] est complètement dingue. » Pour elle, la palme revient aux thèses « alternatives » sur le 11-Septembre. « C’est le complot le plus répandu. Même si leurs arguments ont tous été démontés un par un, patiemment, par des scientifiques. » Une équation simple David Grimes a ainsi mis au point une équation pour prouver que plus un fait monté de toutes pièces implique de personnes, moins il pourra être gardé secret. Assez logiquement d’ailleurs. Prenons l’exemple d’une célèbre affaire d’espionnage, le Watergate (1). Le cambriolage des locaux du parti démocrate a pu être organisé en mettant seulement quelques personnes au courant, et l’affaire aurait pu aisément être étouffée sans l’obstination de deux journalistes et la présence du célèbre « Gorge profonde ». Combien de « Gorges profondes » auraient pris la parole si le voyage sur la Lune avait été une mise en scène ? En 1969, au moins 411 000 employés de la Nasa auraient dû cacher tout ou partie de ce secret. « On a trop tendance à balayer les théories du complot d’un revers de la main, j’ai voulu avoir une approche complètement différente, explique le mathématicien David Grimes. J’ai cherché à connaître les conditions indispensables à la réalisation d’une conspiration secrète. » L’une des bases de ses recherches ? Plusieurs personnes sont incapables de garder un secret au-delà d’un certain laps de temps. Plus le nombre de personnes impliquées est élevé, moins longtemps durera le secret. Un faux alunissage n’aurait pas pu être caché D’autres données sont prises en compte dans le calcul : le nombre de membres du complot, la durée de la mise en scène, la mort des conspirateurs, etc. Pour bâtir sa courbe, il s’est inspiré d’authentiques conspirations, révélées au grand public, comme le projet Prism dévoilé par Edward Snowden. D’après son équation, un complot mettant en scène un faux alunissage n’aurait pas tenu plus de trois ans et huit mois. Même durée pour un complot sur le réchauffement climatique, qui impliquerait des dizaines de milliers de scientifiques à travers le monde. « Certaines théories du complot sont plus dangereuses que d’autres, ajoute-t-il. Ne pas croire aux pas de l’homme sur la Lune est inoffensif, mais penser qu’il existe un complot autour de la vaccination par exemple, peut être fatal. En revanche, des théories du complot ne sont pas forcément fausses, si l’on suit l’exemple des révélations d’Edward Snowden. » Ce scandale a concerné jusqu’à 30 000 personnes et a finalement été rendu public au bout de six ans. Pour Sophie Mazet, la manipulation n’est pas forcément là où l’on pense. « Les puissants n’ont pas besoin de secrets, ils parviennent à leurs fins à la vue de tous ! » Comme dans les livres de George Orwell ou d’Edgar Allan Poe, la vérité est bien souvent sous notre nez. (1) Notons au sujet du Watergate cette remarquable mise en abyme : il existe une théorie conspirationniste selon laquelle le scandale du Watergate serait, contrairement à ce qu’a retenu l’histoire, une machination pour masquer les causes réelles de la chute de Nixon. À savoir son rapprochement avec l’URSS et sa volonté de museler « l’oligarchie dirigée par la Réserve fédérale américaine »… (Sic) Outre les terribles maux de crâne qu’engendre la lecture des sites complotistes, on comprend mieux ce qui fait le succès d’une théorie du complot : sa validité réside en premier lieu dans son caractère non-conformiste, isolé, opposé à la vérité « mainstream ».
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Novembre 2016
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