Psyché et nature - L'inconscient animiste? par Antoine Fratini et Edouard Collot interviewés par Sébastien Morgan en direct sur Salamandre.tv à partir de 20h50 jeudi 19 novembre.
La vision d’une individuation conçue comme parfaite intégration de la personnalité a été sérieusement remise en question, notamment par un des plus brillants élèves de Jung, l’américain J. Hillman, décédé récemment. Ce dernier a pris très au sérieux l’affirmation jungienne selon laquelle les archétypes de l’inconscient collectif ne sont pas totalement intégrables à la conscience. Ils sont plutôt à concevoir comme des présences autonomes avec lesquelles on doit se confronter constamment. Hillman va même jusqu’à parler de « psychologie polythéiste ». Il s’agit dès lors de reconnaître les scénarios mythiques inconscients qui se jouent dans la vie de chacun, de s‘en laisser inspirer sans toutefois en être possédé. Mais il serait réductif de limiter un tel point de vue aux situations mythiques et à la constellation de facteurs archétypiques. L’anthropologue Philippe Descola écrit : « (...) que dira-t-on du vieillard nahua possédé par sa petite divinité de l’ivresse, de l’initié du condomble chevauché par son orisha, de la sorcière habité par son démon ? (...) Que dire encore du tona des mexicains, ce double animal qui héberge un fragment de l’intériorité d’un humain ? Est-il un sujet dédoublé, un frère siamois de la personne dont il partage la destinée ? Ou est-ce un être indépendant qui coexiste avec une autre subjectivité en partie délocalisée ? 1». Ces dernières considérations nous permettrons de diriger maintenant notre attention sur un « côté animiste » encore peu connu et traité de Jung. Dans l’animisme, qui est cette matrice dont sont issus tous les système religieux ultérieurs, l’inconscient réside, pour ainsi dire, dans la Nature, dans ses lieux plus suggestifs, dans ses entités aux pouvoirs mystérieux. La Nature y remplit, depuis la nuit des temps, la fonction de contenant de l’inconscient et de ses archétypes. Dans la psychologie tribale, l’intégration de la personnalité n’est pas vraiment synonyme d’intériorisation, mais s’exprime plutôt par un rapport constant avec un inconscient projeté et perçu en grande partie à l’extérieur et dont les archétypes sont symboliquement liés, depuis toujours, au monde de la Nature. Tous les grands symboles renvoient en effet aux formes naturelles. Que l’on pense par exemple à l’Ouroboros, à la Montagne ou aux Fleuves sacrés, à la Forêt, à la Caverne, à l’Animal, à la Pierre et à l’Arbre des philosophes... Les membres tribaux du monde entier ont des totems et des animaux de pouvoir reçus en don pendant des rites d’initiation qui marquent le passage à la condition adulte. Ces entités liées à la Nature leur font visite dans les rêves en leur fournissant souvent de véritables enseignements, mais se manifestent aussi par le biais de leurs représentants physiques, lesquels sont normalement convoqués et interrogés par des prières et autres pratiques rituelles. Comment ne pas rapprocher ces pratiques des entretiens quotidiens de Jung avec le sage Philémon dont les ailes ressemblaient à celles d’un martin-pêcheur ? 1 P. Descola, Par-delà nature et culture, Gallimard 2005.
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