Source : Liberation.fr par Christian Losson & Isabelle HanneAlors que la conférence internationale commence à peine, les négociations s’annoncent complexes, l’accord final restant très incertain. Voici les principaux enjeux de la COP 21.
Avec une pression sans égale, la première négociation internationale dans laquelle sont vraiment partie prenante 195 pays de la planète a débuté dimanche au Bourget. La 21e conférence des Nations unies sur le climat accueille ce lundi 150 chefs d’Etat et de gouvernement. Une COP 21 sous cloche, où l’état d’urgence climatique se confond avec l’état d’urgence tout court, tandis que les militants du climat comptent bien faire entendre leur voix, en France comme ailleurs (Johannesburg, Séoul, Rio, New York, Mexico…) Si la signature de l’accord est presque une certitude, son ambition, elle, est loin de l’être. L’accord de Paris devrait être, au mieux, un point de départ, propre à esquisser une nouvelle feuille de route pour tenter d’enfin contenir le réchauffement climatique. A condition que cette diplomatie du consensus, sur fond de solidarité obligatoire, parvienne à assembler «un puzzle»,résume Alix Mazounie, du Réseau Action Climat (RAC), une coalition d’ONG. Voici les cinq défis de la COP 21. 1. Limiter au seuil de +2 °C, voire +1,5 °C C’est l’objectif affiché depuis 2009 et la conférence de Copenhague : mettre la planète sur une trajectoire de 2°C d’augmentation maximum par rapport à l’ère préindustrielle, au lieu des 4 à 5 degrés si aucune politique climatique d’envergure n’est mise en place. C’est un seuil, «non pas un objectif mais une limite définie par les scientifiques», rappelle Célia Gautier, conseillère au Réseau Action Climat. Une ligne rouge au-delà de laquelle certains écosystèmes seront trop fragilisés, et le réchauffement climatique s’emballera. Depuis la révolution industrielle, les températures mondiales ont augmenté de 0,85 °C. Ce seuil de 2 °C devrait être écrit noir sur blanc dans l’accord de Paris. Les Etats se sont engagés, tout au long de cette année, à des réductions d’émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici à 2030 dans leurs «contributions nationales volontaires» (en anglais INDCs), adossées à l’accord de Paris. Mais elles mettent la planète sur une trajectoire de + 3 °C. Il faudra donc redoubler d’efforts avant 2020, date d’entrée en vigueur de l’accord. En face, de nombreux pays du Sud et la société civile plaident pour un objectif de + 1,5 °C maximum. «On peut encore rester dans cette limite des 2 °C, insiste Célia Gautier, du Réseau Action Climat.D’après l’ONU, les engagements pris par les Etats pour la COP 21 devraient permettre de faire un peu moins de la moitié du chemin. Reste l’autre moitié à parcourir.» 2. Instiller des formes de contraintes Vouloir faire signer à 195 pays un accord universel relève de la quadrature du cercle tant des Etats ont des intérêts antagonistes. Même si la crise climatique ne connaît pas les frontières. Seules trois organisations internationales prennent des décisions contraignantes ; le Conseil de sécurité de l’ONU, la Cour internationale de justice de La Haye et l’Organisation mondiale du commerce. Le protocole de Kyoto imposait bien des contraintes, mais de nombreux pays ne l’ont pas ratifié ou s’en sont retirés. A Durban en 2011, la COP 17 a convenu d’aboutir à Paris à «un protocole, un autre instrument légal ou une solution concertée ayant une force légale». Sauf qu’un traité ou un protocole passe par la ratification par les Parlements respectifs. Impossible pour les Etats-Unis, où le Congrès est dominé par les républicains et ses climatosceptiques. L’accord de Paris pourrait être hybride, appliquant des contraintes sur certaines parties du texte. Comme sur la mise en œuvre des engagements, mais pas sur des objectifs chiffrés de réduction d’émissions. Un mécanisme de révision tous les cinq ans de ces ambitions de réduction émerge, avec le soutien, de poids, de la Chine. Mais sans sanctions, donc. «La contrainte, ce sera l’obligation de transparence et l’effet de réputation», estime Laurence Tubiana, l’ambassadrice française pour la COP 21. Pas sûr ce que cela suffise. 3. Répondre au scepticisme Les opinions publiques mondiales sont très demandeuses d’un deal, comme le prouve un sondage publié le 5 novembre par le Pew Research Center, qui s’appuie sur un échantillon de 44 000 personnes dans plus de 40 pays et sur les 5 continents, représentatif de 76 % de la population mondiale. A l’arrivée, un consensus mondial semble émerger sur la gravité du défi climatique et sur la nécessité pour les gouvernements d’y répondre à Paris. Ainsi, près de 85 % des opinions publiques interrogées considèrent le dérèglement climatique comme un problème «assez sérieux», dont une majorité (54 %) comme «très sérieux». Et surtout : 78 % des gens interrogés souhaitent que leur pays s’engage à limiter les émissions de gaz à effet de serre. Au-delà de cette prise de conscience, cette étude révèle une véritable volonté d’agir : les opinions publiques mondiales se déclarent prêtes à des changements majeurs de leurs modes de vie (67 % des opinions dans le monde, 66 % des Américains, 73 % des Européens, 83 % des Français et même 89 % des Brésiliens). Le hic, c’est qu’ils ne croient plus en la volonté des Etats. Dansle Parisien, ce dimanche, 59 % des sondés par Odoxa pensent que la COP 21 ne sera pas un succès. Et là où la défiance est terrible pour les responsables politiques, c’est que si les Français pensent à 62 % que les Etats devraient agir - rappelait le 15 novembre un sondageLibération-Viavoice -, ils ont le sentiment que ce sont surtout «les citoyens eux-mêmes» qui agissent le plus aujourd’hui (48 %), avec la société civile (40 %). Loin devant les collectivités locales (18 %), les Etats (12 %) ou les grandes entreprises (8 %). La COP 21 leur donnera-t-elle tort ? 4. Formuler la fin de l’ère des fossiles Le vent sans précédent de désinvestissement de l’industrie fossile (50 milliards de dollars retirés par des universités, des églises, des fonds…) ne semble pas avoir encore soufflé sur le texte de négociation. Les 34 pays de l’OCDE, responsables des deux tiers des émissions de CO2au XXe siècle, ont encore près de 800 plans de subventions des énergies fossiles. Résultat, le mot «énergie» ne figure nulle part dans le projet d’accord de Paris. Son objectif à long terme, qui sera décidé ces jours-ci au Bourget, varie d’un pic d’émissions à une date donnée à des formulations plus floues, comme «une transformation vers un monde bas carbone» ou «la neutralité climatique». Pour engager une réelle transition énergétique vers les renouvelables (éolien, solaire, biomasse), seul moyen de réduire les émissions de gaz à effet de serre, il faudrait écrire noir sur blanc, comme le préconisent les scientifiques du Giec, l’impérative fin de l’utilisation des énergies fossiles (pétrole, gaz et charbon), responsables du réchauffement climatique, à l’horizon 2050. Pour respecter cette trajectoire de 2 °C, plus de deux tiers de nos réserves connues en pétrole, gaz et charbon doivent rester dans le sol, selon l’Agence internationale de l’énergie. «Nos sociétés ont la capacité de tout changer en l’espace d’une génération, d’abandonner les combustiblesfossiles, auxquels on s’est habitué depuis deux siècles, pour vivre avec les énergies renouvelables, rappelle Pierre Radanne, fondateur du bureau d’étude Futur Facteur 4. On peut tout à fait y parvenir en trente ans. A condition qu’à compter de maintenant, tout le monde prenne les bonnes décisions.» Pas gagné. 5. Assurer 100 milliards de dollars Depuis Copenhague, les pays développés, pollueurs historiques, se sont engagés à mettre sur la table (au moins) 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020 pour aider les pays du Sud à s’adapter au changement climatique et limiter les émissions de GES. Ces derniers, aux moyens limités pour prendre en charge les coûts de l’atténuation (la baisse de leurs émissions et leur transition vers des énergies renouvelables), mais surtout ceux de l’adaptation (érosion côtière, destruction de routes, sécheresse…), en ont fait un préalable à leur signature, et donc à la réussite, de l’accord de Paris. Pour l’instant, dans le brouillon d’accord, peu de précisions sur les moyens de mobilisation et de mise en œuvre de ces financements, et sur la répartition entre argent public, privé et aides des institutions multilatérales. Selon un rapport de l’OCDE publié en octobre, 61,8 milliards de dollars ont été mobilisés pour les financements climat du Nord vers le Sud en 2014. Pour l’OCDE, les banques de développement, les efforts supplémentaires de certains pays ainsi que l’argent du Fonds vert devraient permettre de combler le fossé autour de 100 milliards. D’autres marqueurs, d’autres défis autour de la COP 21 auraient pu être soulignés : la traçabilité des aides, la nécessaire transparence, l’inclusion de la société civile. A l’arrivée, comme le résume Thomas Porcher, professeur à la Paris School of Business, auteur du livre le Déni climatique, «les COP sont nécessaires mais pas suffisantes. Derrière les réunions multilatérales, il y a toujours des rapports de force. Il ne faut donc pas attendre un accord pour agir mais agir pour obtenir un accord.»
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Novembre 2016
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