Source : Lemonde.frAnimaux de toutes espèces et de toutes origines, mais aussi elfes, korrigans, farfadets, créatures fantastiques… Le « peuple de la forêt » vient de perdre l’un de ses plus fidèles protecteurs. Le dessinateur belge René Hausman est mort, jeudi 28 avril, à son domicile de Verviers, à l’âge de 80 ans. Figure emblématique de la bande dessinée franco-belge, il laisse derrière lui une œuvre singulière, marquée par la féerie de son univers. Naturaliste et régionaliste convaincu, il appartenait à cette catégorie d’auteurs de BD aussi à l’aise, si ce n’est plus, dans l’illustration pure que dans la narration à proprement parler. Né le 21 février 1936 à Verviers, en région wallonne, René Hausman passe une partie de son enfance en Westphalie (Allemagne), où son père, militaire de carrière, a été affecté après la deuxième guerre mondiale. Celui-ci lui met très tôt entre les mains les récits illustrés de Wilhelm Busch, le créateur de Max et Moritz. Mais c’est surtout sa grand-mère ardennaise, intarissable conteuse d’histoires de nains et de loups-garous, qui va l’initier, dès son plus jeune âge, au monde invisible des bois et des esprits. Coloriste hors pair Illustrateur de publicités pour un petit journal belge, il a 18 ans, en 1953, quand il fait la connaissance de Raymond Macherot, poète du 9e art qui vient de créer ce qui deviendra bientôt l’une des belles séries animalières de l’histoire de la bande dessinée, Chlorophylle. Quatre ans plus tard, le journal Le Moustique, propriété des éditions Dupuis, publie sa toute première histoire – un récit muet de quatre pages mettant en scène des cow-boys et des Indiens. Le rédacteur en chef de Spirou, Yvan Delporte, croit alors fortement au trait expressionniste et charbonneux de cet autodidacte qui tranche avec le style « gros nez » ayant cours à l’époque. Pour Spirou, Hausman va créer en 1957 le personnage de Saki, un petit garçon vivant à la préhistoire, qui sera bientôt rejoint par une jeune fille du nom de Zunie. L’année suivante, toujours pour l’hebdomadaire phare de la maison Dupuis, il réalise une illustration sur le règne animal : ce sera la première d’une très longue série (cinq cents) qui l’occupera pendant presque vingt ans. Rassemblé plus tard au sein de plusieurs albums, son bestiaire l’éloignera de la bande dessinée. Coloriste hors pair, Hausman est alors devenu une « référence » en matière de dessin animalier. Il illustrera les Fables de La Fontaine, le Roman de Renart, les Contes de Perrault… Son retour à la BD, au milieu des années 1970, passe d’abord par le magazine Fluide glacial (où il met en images des fables érotiques écrites par Gotlib et consorts), puis par Le Trombone illustré, contre-journal inséré dans Spirou, où il reprend son personnage de Zunie, mais sous des atours franchement coquins. Sa collaboration avec le conteur et fabuliste Pierre Dubois — inventeur de l’elficologie, étude des elfes et du « petit peuple » issus des contes et des mythologies — date de cette période. Tous deux publient d’abord Le Grand Fabulaire du petit peuple (Luzabelle), une anthologie de l’imaginaire féérique, avant de se lancer dans une grande fresque se déroulant dans un Moyen Age légendaire, Laïyna (Dupuis), qu’Hausman réalisera en « couleurs directes ». « Les illustrations me rapprochent un peu de la peinture »
Suivront deux récits fantastiques avec le scénariste Yann : Les Trois Cheveux blancs (Dupuis), Le Prince des écureuils (Dupuis). A partir de 2004, il s’associe au scénariste Michel Rodrigue pour une série d’ouvrages à thème aux éditions Au bord des continents (La Grande Tambouille des fées, La Grande Tambouille des sorcières, La Grande Tambouilles des lutins), avant de renouer avec Pierre Dubois, d’abord pour un livre d’illustrations — L’Elféméride : Le Grand Légendaire des saisons (Hoëbeke) — puis pour une bande dessinée – Capitaine Trèfle (Le Lombard) – comme s’il lui était impossible de choisir entre ces deux activités. « Ma vocation première est l’illustration ; je peins mes planches plus que je les dessine. Je n’ai pas tout à fait acquis le langage de la bande dessinée ; c’est mon problème, d’ailleurs. Je crois que pour faire de la bande dessinée, il faut considérer le dessin comme une écriture. Je préfère l’illustration. C’est un bonheur de réaliserdes images en couleurs, d’apprécier leur valeur, leur vie propre, leur complémentarité, les vibrations qu’elles peuvent engendrer. Le camaïeu, le ton sur ton et les intensités m’intéressent plus que le trait proprement dit. Les illustrations me rapprochent un peu de la peinture, mais je ne me considère pas comme un peintre à part entière pour autant », déclarait-il à la Nouvelle République du Centre-Ouest en 1999 à l’occasion du festival BD Boum de Blois qui lui avait remis son grand prix. En 2008, René Hausman avait créé, avec son épouse, Nathalie Troquette, une petite maison d’édition spécialisée dans les « belles images » représentant la nature et les mondes légendaires, Luzabelle. On lui doit aussi un disque de musique folk wallonne où il joue de la cornemuse et de différentes flûtes (Les Pêleteûs, sorti en 1974). A 80 ans passés, il continuait de travailler sans relâche. Il y a un peu plus d’un mois, sur un scénario de Jean-Luc Cornette, il avait publié une variation autour du personnage de Chlorophylle, créé par Raymond Macherot. Celui-là même qui, il y a plus de soixante ans, l’avait encouragé dans la carrière de dessinateur.
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Novembre 2016
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