Source : Liberation.fr par Vittorio De FilippisLes députés avaient voté un amendement permettant de lutter contre l'optimisation fiscale. Le gouvernement a exigé dans la nuit un deuxième vote pour retoquer la mesure.
C’est une grande leçon de démocratie parlementaire. Et une belle occasion manquée. C’est aussi la sempiternelle séquence qui risque d’alimenter les déçus de la politique pour qui le gouvernement se paie de mots mais se passe d’actions marquées à gauche. En cette période de disette budgétaire, la lutte contre l’évasion fiscale a pourtant bonne presse, notamment du côté du gouvernement. L’Etat veut s’attaquer à cette mécanique financière par laquelle une poignée de multinationales s’en mettent plein les poches au détriment du plus grand nombre de contribuables qui, eux, paient leurs impôts là où ils travaillent. Vendredi 4 décembre, dans le cadre du projet de loi de finances rectificatif, les députés franchissent un pas décisif. Cette fois, la manne financière des multinationales est à portée des caisses de l’Etat. Les députés adoptent une mesure de transparence fiscale, la publication du reporting pays par pays : il sera bientôt possible de savoir si les entreprises payent leurs impôts là où elles exercent leurs activités, et non dans des paradis fiscaux où leur présence se réduit souvent à des boîtes aux lettres. Les entreprises auront l’obligation de donner des informations aussi basiques que le chiffre d’affaires, le bénéfice, le nombre d’employés, les impôts payés dans chaque pays où elles ont une filiale. De quoi permettre de détecter des anomalies. De quoi permettre aux Etats de demander des comptes pour récupérer les impôts dus. Adopté à l’Assemblée, l’amendement prend la navette vers le Sénat. Qui siffle la fin de récréation et le rejette. Qu’à cela ne tienne : il revient à l’Assemblée pour une seconde lecture, dans la nuit de mardi à mercredi. Rares sont les fois où l’hémicycle compte autant de députés sur ses bancs. Cette nuit-là, ils sont 52. Un amendement, un deuxième, un troisième et puis un dernier. Justement celui qui a trait à l’évasion fiscale. 28 votent pour par un vote officiel enregistré. 28 députés qui l’adoptent contre une minorité de 24 opposants fâchés que ces gros grains de sable puissent gripper la belle machine de l’optimisation fiscale, grâce à laquelle des Google et autre MacDo mettent au régime minceur l’impôt qu’ils versent en France. C’est là que le gouvernement intervient. Le secrétaire d’Etat au Budget, Christian Eckert, est furax. Il demande, sans justification aucune, une suspension de séance. Ce sera dix minutes, comme le prévoit la règle du jeu parlementaire. Dix minutes qui se transforment en quarante minutes. «Le temps de faire pression sur les députés qui ont voté pour,explique Marion Aubry, responsable de plaidoyer "justice fiscale" au sein d’Oxfam France. Et d’en mobiliser de nouveaux qui ont rappliqué d’un seul coup pour voter contre.» Il est environ 1 h 30 du matin quand les députés votent à nouveau pour ou contre le nouvel amendement qui supprime celui adopté un peu plus d’une heure plus tôt. Et ça marche : à nouveau par scrutin officiel, 25 votent en faveur de cette nouvelle délibération contre 21 qui s’y opposent. Résultat : la France ne sera pas le fer de lance de la lutte contre l’évasion-optmisation fiscale. Une grande leçon de démocratie parlementaire.
1 Commentaire
Sebastien
17/12/2015 20:15:46
Comme quoi, quand les ministres se bougent, il y a du résultat.
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