Source : Le Monde.fr Blog "Passeur de sciences" par Pierre BarthélémyD'ici quelques semaines, la communauté astronomique fêtera le vingtième anniversaire de la découverte de la première planète extrasolaire. En mettant la main, en 1995, sur l'exoplanète 51 Pegasi-b, les Suisses Michel Mayor et Didier Queloz faisaient plus que répondre à une question primordiale sur l'existence d'autres mondes ailleurs que dans notre Système solaire : ils renforçaient ceux qui tentaient de trouver dans le cosmos des indices trahissant des intelligences extraterrestres dans l'idée que leur quête n'était peut-être pas vaine. Force est cependant de reconnaître que la recherche de ces intelligences – baptisée SETI, d'après l'acronyme anglais de Search for Extra-Terrestrial Intelligence – n'a pour l'heure rien donné. Ce n'est pas faute, pourtant, d'avoir, depuis des décennies, « écouté » le ciel à la recherche des signaux radio artificiels que des civilisations autres qu'humaines auraient pu émettre. Mais peut-être, suggèrent trois chercheurs britanniques dans une étude à paraître dans l'International Journal of Astrobiology, faut-il, en complément des preuves de vie de sociétés technologiques extraterrestres, chercher des traces... de leur mort – ce qui, si l'on se place d'un point de vue cynique, indique tout aussi bien que la vie n'est pas apparue que sur notre planète.
Partant du seul exemple de civilisation « avancée » qu'il connaissait, à savoir la nôtre, ce trio a constaté que le développement de technologies de plus en plus perfectionnées s'accompagnait parallèlement de l'augmentation de notre potentiel d'autodestruction. Cette étude a donc eu pour objectif de recenser les recettes grâce auxquelles nous pourrions nous éradiquer nous-mêmes de la surface de la Terre et d'évaluer si les signes d'un cataclysme ultime seraient détectables par des observateurs extérieurs... La liste compte quatre scénarios et on ne s'étonnera guère si le premier d'entre eux est celui d'une apocalypse nucléaire. Il n'y a en effet guère de raison de penser qu'une civilisation technologique ne finira pas par comprendre la manière de produire des quantités considérables d'énergie de la fission et de la fusion atomiques. Nous ne sommes plus au paroxysme de la Guerre froide mais les arsenaux nucléaires mondiaux actuels suffisent encore largement à nous annihiler. L'étude évoque le chiffre cumulé de 6 millions de kilotonnes de TNT (à titre de comparaison, l'énergie libérée par bombe d'Hiroshima ne dépassait pas l'équivalent de 15 kilotonnes de TNT). En imaginant un conflit – déclenché par nous-mêmes comme des grands ou par des robots ayant compris qu'ils vivraient mieux sans nous, comme dans le filmTerminator – mobilisant la majorité des armes existantes, qu'est-ce qui serait détectable à distance ? L'explosion d'une bombe atomique produit tout d'abord une bouffée de rayons gamma très caractéristique qui dure plusieurs millisecondes et voyage ensuite dans l'espace à la vitesse de la lumière. « Malheureusement », avec les armes dont nous disposons, une apocalypse nucléaire sur Terre resterait indétectable pour tout observateur situé au-delà du Système solaire. Pour qu'on puisse repérer la fin d'une civilisation extraterrestre à partir des flashes gamma, il faudrait qu'elle mette en branle un feu nucléaire un milliard de fois supérieur à celui que nous sommes modestement capables d'engendrer... Ceci dit, souligne l'étude, d'autres signaux que les bouffées de rayons gamma pourraient être plus aisément repérables car un tapis de bombes atomiques aurait aussi des conséquences non négligeables sur l'atmosphère d'une planète semblable à la nôtre. Il y a tout d'abord le célèbre hiver nucléaire qui augmenterait subitement et considérablement l'opacité de ladite atmosphère, un changement qui, lui, serait détectable. Par ailleurs, le dépôt d'une quantité importante d'éléments radioactifs serait capable de faire briller l'atmosphère. Enfin, les oxydes d'azote qui accompagnent l'explosion de bombes atomiques seraient susceptibles, en montant dans l'atmosphère, de mettre à mal la couche d'ozone. Le deuxième scénario est celui d'une guerre biologique. Imaginons l'utilisation de virus génétiquement modifiés pour être à la fois très contagieux et mortels. Si cela se passait sur Terre, que verrait-on de l'extérieur ? Eh bien, si sept milliards de cadavres humains se mettaient plus ou moins simultanément à se décomposer – et en supposant que tous nos chiens et chats n'en auraient pas profité avant pour manger leurs ingrats de maîtres désormais incapables de leur donner leur pâtée ou leurs croquettes... –, ces quelque 300 millions de tonnes de corps humains produiraient un flux d'environ 10 000 tonnes de méthanethiol, un gaz issu de la décomposition de la matière organique, dont la présence dans l'atmosphère pourrait se détecter... s'il y en avait beaucoup plus. Et même si le virus pathogène franchissait la barrière d'espèces et tuait tous les animaux de la Terre, il est probable que cela ne suffirait pas pour repérer la fin de l'humanité. La troisième hypothèse envisagée par l'étude relève encore, pour le moment, de la science-fiction, puisqu'elle met en scène la perte de contrôle par l'humanité de nano-robots se servant de matière organique pour s'auto-répliquer. En l'espace de quelques semaines, un quart de la biomasse totale de la Terre (dont une partie non négligeable d'organismes humains) se métamorphoserait en « gelée grise » pour reprendre l'expression utilisée il y a trois décennies par le spécialiste américain des nanotechnologies Eric Drexler. Se couvrant progressivement d'une myriade de ces nano-robots, la Terre verrait sa surface se transformer en une sorte de tapis de poussières. Sa « texture » et sa brillance seraient modifiées, ce qui pourrait se constater depuis une autre planète. Le quatrième scénario est nettement plus proche de la réalité que nous vivons puisque les auteurs de l'étude s'interrogent sur les conséquences d'une grande pollution de la planète et notamment de l'utilisation inconsidérée de molécules comme les chlorofluorocarbones (CFC, essentiellement employés par les industriels du froid), qui ont abîmé la couche d'ozone de la Terre. Ces chercheurs soulignent que le futur successeur du télescope spatial Hubble, le James Webb Telescope, dont le lancement est prévu en 2018, sera capable de détecter, dans l'atmosphère d'exoplanètes semblables à la Terre, dix fois plus de CFC que la quantité que nous avons injectée dans notre propre atmosphère. C'est beaucoup, mais pas impensable. Ces produits étant, pour certains, détectables pendant des millénaires, ils constituent probablement le marqueur le plus facile à repérer d'une éventuelle catastrophe écologique, puisque la couche d'ozone protège la vie – telle du moins que nous la connaissons – des redoutables ultra-violets produits par l'étoile d'un système planétaire. L'article insiste sur le fait que la détection de signaux montrant l'auto-destruction probable de civilisations technologiques extraterrestres pourrait permettre de répondre enfin au fameux paradoxe soulevé par le chercheur italien Enrico Fermi en 1950. Partant de l'idée que, si la vie avait pris racine sur d'autres planètes de la galaxie, des civilisations technologiques nettement plus avancées que la nôtre auraient fini par découvrir le moyen de voyager très vite dans l'espace et gagné toute la Voie lactée, le Prix Nobel de physique 1938 se demandaient pourquoi les « aliens » n'étaient pas là. En mettant en évidence que des civilisations extraterrestres s'autodétruisent, on pourrait répondre – de manière posthume – à Fermi que si E.T. n'est pas là, c'est parce qu'il est mort avant de pouvoir partir et que la durée de vie des sociétés hautement technologiques est trop faible pour leur laisser le temps de développer un programme d'exploration galactique... A méditer pour nous aussi.
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Novembre 2016
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