Source : Ouest-France.fr par Klervi DrouglazetLes ressources terrestres s’épuisent. Et si la solution se trouvait dans l’espace ? Le Sénat américain vient d’approuver un projet de loi autorisant les entreprises privées à forer des astéroïdes pour y extraire des matières premières, dans le but de les commercialiser. Mais les États-Unis ont-ils vraiment le droit de s’emparer des minerais de l’espace ? Après la conquête du Far West, la ruée vers l’or et le premier pas sur la Lune, les Américains entendent s’emparer des astéroïdes à des fins industrielles. Eau, platine, fer… Des entreprises américaines lorgnent sur les richesses potentielles de ces « mini-planètes » du système solaire. La Nasa (National Aeronautics and Space Administration), l’agence américaine de l’aéronautique et de l’espace, recense des centaines de milliers d’astéroïdes en orbite autour du soleil. Ce sont des corps rocheux dont la plupart se situent entre Mars et Jupiter, à 100 millions de kilomètres de notre planète. Premier arrivé, premier servi ? C’est dans cette logique que les parlementaires du Sénat américain ont récemment donné le feu vert aux entreprises privées : elles sont « autorisées » à mettre la main sur les matières premières de l’espace. Le texte s’appelle le « Space Act of 2015 ». En agissant de façon unilatérale, les États-Unis semblent oublier une chose : ce n’est pas la loi de la jungle qui règne dans l’espace, mais un traité qui remonte à 1967. Bien commun de l’humanité L’espace n’est pas un lieu de non-droit. Les activités des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace « extra-atmosphérique », y compris la Lune et les autres corps célestes, sont régies par un traité international, ratifié en 1967, par les États-Unis eux-mêmes, le Royaume-Uni et l’Union Soviétique. Et par la France en 1970. Il s’agit du « traité de l’espace » qui fait office de base juridique du droit de l’espace. L’article 2 de ce traité indique qu’aucune nation ne peut réclamer la propriété dans l’espace. Pour Jacques Arnould, chargé des questions éthiques des activités spatiales au Centre national d’études spatiales (Cnes), le Sénat américain est « en contradiction avec le droit international, l’espace est un bien commun de l’humanité ». Avec ce projet de loi, les sénateurs américains tentent de contourner le droit de l’espace : si ce traité empêche les États de s’approprier l’espace et donc les astéroïdes, il ne concerne pas, selon eux, les entreprises privées. Cette tentative de détournement ne tient pas la route pour Jacques Arnould : « Les États sont les premiers responsables des activités spatiales. » Chaque pays qui envoie un engin dans l’espace en est responsable en tant qu’« État de lancement ». Si une entreprise privée lance un engin partant du territoire des États-Unis en direction de l’espace, le gouvernement américain est donc responsable de ce lancement. Asticoter les astéroïdes Pour Jean-Yves Prado, expert en astéroïdes, l’exploitation de ces objets célestes est « un pari qui repose sur des hypothèses ». Le chercheur émérite du Cnes ne reconnaît pas avec certitude la présence de métaux précieux dans les astéroïdes : « La Terre s’est formée à partir d’astéroïdes conditionnés, donc il paraît logique que, tout comme dans la Terre, des métaux se retrouvent dans les astéroïdes, analyse-t-il. Si des astéroïdes entrent en collision, ils sont soumis, avec le choc, à des températures élevées. Ce phénomène physique peut entraîner la fabrication de diamant… » Mais qui lorgne sur les astéroïdes ? Du point de vue éthique, Jacques Arnould pointe du doigt les géants du net : « Ce sont les GAFA [acronyme de Google, Apple, Facebook, Amazon, NdlR] qui sont derrière tout cela et il n’est pas question de faire n’importe quoi ! » Planetary Ressources, l’une des entreprises en course vers cette potentielle industrie minière est effectivement cofinancée par Larry Page, le PDG de Google ou encore le réalisateur James Cameron. Selon Peter Diamandis, le cofondateur de Planetary Ressources,« un grand nombre de métaux et minéraux rares sur notre planète se trouvent en quantités quasi illimitées dans l’espace ». Le but étant de soustraire ces matières premières aux astéroïdes pour ensuite les ramener sur Terre. « Il ne faut pas être angélique ni refuser aux entreprises l’exploitation de l’espace, mais cela doit être fait au bénéfice de l’ensemble de l’humanité, concède Jacques Arnould. Il faut être intelligent et cadrer la gestion des ressources. »
Une utopie ? Quant à la faisabilité des forages d’astéroïdes, Jean-Yves Prado, avertit sur le caractère « utopique » du projet. Sur le plan logistique d’une part : « Il faut compter des mois pour se rendre sur un astéroïde. Et pour l’exploiter, il faut se mettre en orbite à la même vitesse qu’un astéroïde et réussir à se poser dessus… » Et sur le plan technique d’autre part : « Il faut des hommes sur place. Je vois mal un système complètement automatique. » Contrairement aux dernières missions spatiales qui consistaient à ramener des échantillons d’astéroïdes, c’est-à-dire quelques grammes, « une exploitation minière, c’est des dizaines de tonnes à transporter à travers l’atmosphère », signale le scientifique. À l’image de l’aviation qui a mis 100 ans à se développer, Jean-Yves Prado estime qu’il faudra « au moins un siècle » avant que l’exploitation des corps célestes se concrétise. Même s’il a été validé par le Sénat américain, le « Space Act of 2015 » doit encore être approuvé par la Chambre des représentants des États-Unis et présenté à Barack Obama. Au-delà des barrières juridiques, Jacques Arnould espère que les valeurs humaines primeront sur l’enjeu industriel : « Après 60 ans d’opérations spatiales où les hommes ont su oublier leur conflit dans l’espace, cela serait dommage de tout oublier pour des enjeux économiques. »
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Novembre 2016
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