Source : Ouest-France.fr par Cédric RousseauDans le tabloïd allemand Bild, un historien « amateur » affirme avoir découvert deux bombes atomiques datant du régime hitlérien, cachées dans une galerie en Thuringe, en Allemagne. « Très peu crédible », répondent les historiens, pour qui la puissance nucléaire du IIIe Reich relève du fantasme.
Projet Manhattan aux États-Unis contre Projet Uranium en Allemagne. En 1939, en pleine guerre mondiale, deux projets de recherche visent à maîtriser la puissance de l’atome à des fins énergétiques et militaires. Mais si le projet Manhattan a effectivement mené à la première bombe atomique (Trinity, le 16 juillet 1945 dans le Nouveau-Mexique), l’Uranprojekt allemand n’a jamais abouti. Aussi, lorsqu’un « historien amateur » annonce dans le premier quotidien allemand (Bild) avoir découvert deux « bombes atomiques nazies » à l’aide d’un géoradar, l’information intrigue. D’autant plus que Peter Lohr, 70 ans, affirme que son radar les a détectées dans de grandes cavernes souterraines à Ohrdruf, en Thuringe. C’est là qu’était installée l’annexe du camp de concentration de Buchenwald. Ses prisonniers y étaient forcés à creuser des tunnels et des abris bétonnés : « Dans le centre de l’Allemagne, à partir de 1943, le régime nazi bombardé par les alliés rapatrie ses infrastructures et construit des usines souterraines, explique Jean-Luc Leleu, historien et membres de l’équipe Seconde Guerre mondiale au CNRS. Dans les derniers mois de la guerre, ces galeries servent de lieu de stockage, notamment d’œuvres d’art dans d’anciennes mines de sel, pour les protéger de l’humidité. » Aucune trace de bombe nucléaire De là à imaginer que les nazis auraient pu y cacher des armes atomiques, il y a un grand pas que les historiens ne s’empressent pas de franchir. « Les galeries thuringeoises autour d’Ohrdruf et de Dora sont connues pour les programmes de fusées V1-V2 [premiers missiles de croisière de l’histoire, NdlR] et ont fait l’objet de très soigneuses enquêtes américaines », poursuit Christian Ingrao, auteur du livre Le Nazisme et la guerre (Éditions Le Clou dans le Fer, 2011). Aucune trace de bombe nucléaire n’a jamais été relevée. « Ce que l’OSS [agence de renseignements américaine, NdlR] n’a jamais découvert aurait été découvert par un historien dit amateur ? On peut être légitimement sceptique… » Son confrère Jean-Luc Leleu parle de « course au buzz » de la part de la presse : « Sur ce sujet, il faut rester très prudent. L’Allemagne était très avancée dans le domaine militaire, mais la plupart des élites ayant été chassées ou ayant fui le pays, comme Albert Einstein, la recherche allemande sur l’atome a marqué le pas. » Controverses et théorie du complot Cela étant, il est vrai que le programme nucléaire hitlérien fait régulièrement l’objet de controverses. Dans un article de Der Spiegeltitré « Litige historique sur la bombe d’Hitler », la fabrication secrète de bombes atomiques par Hitler est qualifiée par plusieurs historiens de « foutaises colportées par des amateurs ». La page Wikipédia intitulée « Recherches atomiques sous le régime nazi » liste plusieurs cas de pseudo-découvertes d’installations nucléaires, rapidement invalidées. Jean-Luc Leleu renchérit : « Il a fallu des années au projet Manhattan pour aboutir, alors que les États-Unis étaient en paix, bénéficiaient des meilleurs savants et de budgets faramineux. L’Allemagne hitlérienne n’avait pas les moyens d’aller aussi loin. » L’économie allemande dans son ensemble était menacée par des bombardements quotidiens, les pénuries de carburant et la débâcle sur le front russe. En outre, les verrous technologiques étaient quasi impossibles à faire sauter, et l’Allemagne disposait de stocks d’uranium bien en deçà de la masse critique pour fabriquer une bombe atomique. L’idée qu’Hitler aurait pu posséder LA bombe fascine. Au point de faire perdre la raison. « Le ton parfaitement complotiste de l’article nous fait quand même bien rigoler », ajoute Christian Ingrao. Car « l’historien amateur allemand » a aussi déclaré au Bild qu’il n’était« désormais plus autorisé à poursuivre (s)es recherches » par les autorités de son pays. Théorie conspirationniste, élucubrations ou persécutions ? « En tant qu’historiens, on doit résonner à partir de faits, conclut Jean-Luc Leleu. Je ne balaie pas son hypothèse d’un revers de la main mais cela reste des suppositions. Aucune découverte n’a jamais été dans ce sens. » Une remarque similaire aux conclusions de Nicolas Chevassus-au-Louis, journaliste et auteur du livre Pourquoi Hitler n’a pas eu la bombe atomique, publié en 2013.
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Novembre 2016
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